Un drapeau français souillé en Chine
En tête d’une manifestation chinoise de défense des jeux olympiques de Pékin, un drapeau français sur lequel a été dessiné deux croix gammées, et inscrit quatre messages (qui repris in extenso donnent « Jeanne d’arc=prostituée », « Napoléon=pervers », « France=Nazi », et « Free Corsica »), a été portée par deux personnes dans la plus parfaite quiétude. Un cliché de ce triste épisode est repris dans le journal Libération de ce jour.
Il est bien difficile de garder son calme à la vue de telles images. Il est d’autant plus difficile d’avoir une réaction maîtrisée lorsqu’on replace cette image dans le flou artistique qui accompagne le débat public actuel sur les Jeux Olympiques. En l’occurrence, le gouvernement n’a pas pris de décision définitive quant à sa présence ou non à la cérémonie d’ouverture de ces olympiades. Pour rester le plus impartial possible nous nous arrêterons à cette brève présentation de la question car là n’est pas le sujet principal de cet article.
Ce qui m’attriste, c’est que le drapeau d’un pays, quel qu’il soit, puisse être souillée de la sorte dans l’indifférence la plus totale. Et cette indifférence est double. En effet, d’une part le pays dans lequel cette souillure est effectuée n’empêche pas l’exposition du fruit de ces actes délictueux. Et d’autre part, il ne semble pas que l’opinion publique nationale s’émeuve d’une telle atteinte.
Nonobstant de fortes convictions personnelles quant à l’amour de la France, je ne veux pas faire de cet article une apologie du patriotisme. Je veux simplement en appeler au respect des nations, car n’en déplaise à certains, les nations existent toujours. En suspens de ce triste épisode chinois à partir duquel j’écris cet article, se pose alors la question du sentiment national.
À ceux qui aiment la France, qui pensent que la France a toujours une place à jouer dans ce monde, qui en ouvrant leur portefeuille voient une carte d’identité au fronton de laquelle est écrit « République Française », je tiens à dire que notre emblème national ne peut être la cible de telles attaques.
Si aujourd’hui nous sommes français, nous avons une histoire à assumer. Et permettez-moi un parallélisme des formes avec le droit communautaire. Les nouveaux adhérents à l’Union européenne doivent accepter ce qu’on appelle l’acquis communautaire, à savoir grosso modo accepter tout ce qu’il s’est passé en Europe avant leur arrivée. En France, c’est pareil. Les nouveaux français, arrivés par leur naissance ou par d’autres moyens, doivent accepter l’acquis national, à savoir ce qu’il s’est passé avant leur arrivée, autrement dit l’histoire de la France. Qu’il existe des débats quant à telle ou telle période est normal. Pour autant, cette histoire ne saurait être insultée.
Permettez-moi de revenir sur deux de ces quatre messages, « France = Nazi » et « Free Corsica ».
Le premier est une atteinte non seulement à l’histoire de France, mais aussi à son pluralisme politique, et enfin aux résistants qui ont compris ce qu’était et combattu l’horreur nazie.
Le second est une immixtion pure et simple dans les affaires nationales. Le reproche qui pourrait m’être rétorqué est que les français font exactement la même chose au sujet du Tibet. C’est un argument qui se tient. Néanmoins la position officielle de la France est de réclamer une reprise du dialogue entre les acteurs tibétains et chinois. Ainsi, il s’agit là davantage d’un souhait diplomatique que d’un véritable ingérence.
En réalité, et pour conclure, il ne faudrait pas que le débat public international sur la question des JO vire au choc des nations voire des civilisations. Il ne faudrait surtout pas donner raison à Huntington. En revanche, si de telles atteintes devaient se renouveler il faudrait selon moi se mobiliser contre de tels comportements. Mais cette mobilisation devra être sérieuse et constructive, il ne serait alors pas question de nationalisme aveugle bête et méchant mais plutôt d’une défense de nos symboles et de notre peuple assortie d’un appel au dialogue permettant de retrouver un minimum de sérénité. Il est ici écrit beaucoup de généralités. Mais ne nous cachons pas la face, il y a derrière ces relations, en apparence, glaciales entre Pékin et Paris, des enjeux commerciaux que notre gouvernement souhaite aussi préserver. C’est peut-être ce qui explique son embarras actuel. Mais cette préservation, que l’on reprochait il y a quelques semaine de se faire au détriment des droits de l’homme, ne saurait se faire du détriment des nations, au détriment de la France. Alors une fois n’est pas coutume mais avec tout le sens que cette formule revêt, je finirai cet article par
VIVE la France!
Cédric PREVOT