Keynes au XXIème siècle

Publié le par DLJ Lorraine

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« Les économistes ne se fatiguent pas beaucoup et ils ne servent pas à grand-chose si tout ce qu’ils peuvent dire lorsqu’il y a une période orageuse, c’est que la mer sera calme lorsque la tempête sera passée »
John Maynard Keynes, La Réforme monétaire (A Tract on Monetary Reform), 1923.
 
         Jamais un début d’année n’aura été autant marqué par des turbulences économiques comme celles que nous vivons actuellement. N’en déplaisent à ceux qui voient en nous des « déclinologues » ou des « créateurs de psychose », mais il est un devoir d’engagé politique, responsable ou militant, que de retranscrire ce qu’il se passe aujourd’hui avec le moins de tabous possibles. Si l’office de cet article n’est pas de révéler une vérité irréfragable, il aura néanmoins l’intérêt de poser un maximum de questions. Interrogations qui ne sont que les composantes d’un problème plus général et qui concentre toutes nos attentions en ce moment:
 
Comment sortir de la crise économique?
         Après avoir fait un bref rappel des grands faits économiques de ces dernières semaines, il faudra chercher à comprendre pourquoi de tels évènement se sont produits. Enfin, parce qu’il n’est pas de problème sans solution, certaines pistes de réflexions pourront être avancées pour servir à une possible sortie de crise.
 
         Le 22 janvier dernier, les grands marchés boursiers perdaient entre 5% et 10%. Il semblerait que ce soit un contrecoup de la crise des « subprimes » qui a touché en fin d’année 2007 les États-Unis. En effet, la veille, le président américain, Georges W. Bush, présentait un plan pour sortir son pays de la crise financière sans précédent que les américains vivent actuellement. La réaction sur les marchés financiers fut très négative; estimant ce plan beaucoup trop modeste, nombreux sont les économistes a penser que l’on ne sortira pas de la crise dite des « subprimes » de sitôt. Le lendemain matin, la réserve fédérale américaine annonçait pour la seconde fois en quelques mois, une nouvelle baisse de ces taux directeurs, à hauteur de ¾ de point.
Ce matin, on apprend que la Société Générale serait victime d’une fraude provoquant une perte de l’ordre de 7 milliards €. Pour une dernière information, beaucoup plus symbolique, mais qui a également son importance dans le secteur économique, le 22 janvier 2007 était la date du premier anniversaire de l’Abbé Pierre, indicateur humain, de son vivant, de la précarisation de nos sociétés développées. Contraste des informations pour les uns, mélange des genres pour les autres, l’économie reste néanmoins ce secteur où se côtoient pauvres et riches, salariés et employeurs, consommateurs et commerçants, épargnants et banques. Or, apporter une réponse à un tel problème économique exige d’y répondre en abordant tous les éléments de la vie économique. D’où ce constat d’une grande importance, la crise économique actuelle n’est pas qu’une crise boursière et ne concerne pas uniquement les actionnaires. Elle concerne tous les acteurs de la vie économiques, de l’État au modeste citoyen, des grandes multinationales aux PME.
 
         S’agissant de la crise dite des « subprimes », on ne sait à quel niveau les pertes s’accumulent. Cette incertitude quant aux dommages réellement causés par cette crise immobilière accroît la nervosité des marchés financiers, déjà bien exacerbée par la montée du prix du baril de novembre dernier répercutée sur le marché de nombreuses matières premières (comme le blé).
 
         Le réponse que peut y apporter le gouvernement américain, reste en suspens tant la santé budgétaire de ce pays est à mal. Le déficit public de cet État traditionnellement colossal, connaît une augmentation exponentielle avec ce qu’il convient de qualifier de bourbier irakien. Si au-dedans ils sont malades, au-dehors les américains cherchent à paraître toujours aussi puissants. Cet artifice se fait au moyen d’un compagnon idéal: le dollar.
 
         « Nous sommes tentés de voir dans la monnaie un élixir qui stimule l’activité du système ».
         John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936
 
         À force de baisser ses taux directeurs, la réserve fédérale américaine affaiblit le billet vert. Monnaie plus faible, monnaie moins chère, plus de dollars circulent, la consommation outre-atlantique est censée être relancée.
 
         Néanmoins, cette relance ne concerne que les personnes, les acteurs économiques qui présentent des capacités de consommations. Or, aux États-Unis, comme dans certains États européens, se développe une classe qui est la cible de nombreux dirigeants, est qui s’appelle outre-atlantique, l’«upper middle class ». Elle peut être définie comme étant une partie de la classe moyenne présentant une capacité de consommation légèrement supérieure à la normale. Dans le cas de fluctuations telles que nous connaissons actuellement, ces personnes deviennent des actionnaires potentiels, qui sont invités à placer leur capital supplémentaire, dans des valeurs mobilières dans une simple quête de rendement. Ce genre de réponse monétaire participe au développement de la financiarisation du capitalisme. Avec des marchés plus nerveux, des fluctuations plus fortes, se développe une masse de petits porteurs, qui pensent davantage au rendement qu’au financement de la société dans laquelle ils se trouvent. Au contraire, les établissements financiers et les investisseurs institutionnels, ayant perdu beaucoup ces derniers mois, dans la crise des « subprimes », perdent ce rôle de « gendarmes de la bourse », et ne peuvent influer aussi massivement sur le marché secondaire.
 
         Ce changement de population intervenant sur les marchés financiers, instrumentalisé par la politique monétaire américaine ne se répercute à l’heure actuelle qu’à Wall Street. À l’opposée, l’immobilisme de la Banque Centrale Européenne, comporte des dangers plus graves.
 
         Avec un dollar plus faible, on a un euro plus fort. Les exportations européennes risquent donc d’être touchées. De plus, l’euro avec ses taux d’intérêt relativement élevés risque de devenir une monnaie d’épargne à l’échelle mondiale. À l’heure où les revendications sur le pouvoir d’achat se font de plus en plus pressantes et se généralisent à toute l’Europe occidentale, ne faudrait-il pas au contraire, surtout s’agissant de la France, que l’Euro devienne, le temps de réformes structurelles (comme celles qu’a connu l’Allemagne au cours des années 2005/2006, et que tente de mettre en place le gouvernement hexagonal actuel) une monnaie de consommation?
 
         L’Union européenne dans le cadre de ces institutions actuelles n’a pas le pouvoir qu’ont les secrétaires d’État américains pour influer sur la vie économique et l’organisation de leurs marchés. À l’heure du marché commun, il est un comble qu’aucun membre de l’exécutif européen ne puisse prendre des décisions auprès du gouverneur de la Banque Centrale Européenne pour influer sur ces fluctuations.
 
         À ce jour, des lobby in puissants de petits porteurs, d’épargnants, d’obligataires exercent des pressions sur la Banque centrale européenne pour qu’elle exerce une « politique monétaire du court terme ». De plus, l’euro fort présente l’unique avantage d’amortir la hausse du prix du baril de pétrole brut à la pompe, notamment pour notre voisin allemand. La dépendance d’une majeure partie de nos voisins européens au pétrole notamment dans le domaine de l’énergie est dangereuse non seulement sur le plan économique, car comme on vient de le voir, elle empêche une politique monétaire, véritablement au service de la croissance, mais aussi sur le plan environnemental. La proposition française de développement du nucléaire énergétique européen serait une solution. Au lieu de ça, la Commission européenne vient de publier un rapport dans lequel elle envisage un programme massif et coûteux de développement des énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien. Plus cher et surtout plus long, ce choix permettra de maintenir un Euro plus fort pendant plus longtemps que si on avait opté pour le nucléaire. Choix politique ou cadeau aux actionnaires?
 
Un exécutif européen absent des prises de décisions monétaires, comparse des traders dans certaines de ces décisions, ou l’annonce d’un avenir économique européen bien incertain!
 
Est-ce que cet avenir pourrait être modifié avec le nouveau Traité modificatif européen? Oui, mais en pire. Indépendance de la BCE consacrée, alignement de la politique étrangère de l’UE sur celle de l’OTAN: d’une BCE pressée et d’un exécutif absent on passe à des États Unis présentes dans nos affaires économiques (car nul n’ignore que de nombreuses affaires diplomatiques sont réglées à coup de tractations commerciales très importantes).
 
À l’heure où Nicolas Dupont-Aignan sort un livre sur le sujet qui s’intitule le « Coup d’État simplifié », le débat sur le Traité modificatif européen est plus que jamais d’actualité. On est de plus en plus en présence d’un monde financier qui se marche sur la tête, qui passe de la virtuosité de certains porteurs et actionnaires, à la virtualité d’un monde. La précarité s’accentue, touchant bon nombre de salariés, le pouvoir d’achat est au plus mal, de nombreux pays émergents risquent de replonger dans des heures sombres. L’heure de la transparence, du regard des peuples sur les affaires des grands de ce monde a sonné. Ça commence avec le Traité européen, mais ça continuera demain et de manière tout aussi difficile. Mais nous réussirons. Car il n’est pas de nobles combats sans espoir de victoire. Bonne année 2008.
Cédric

Publié dans Actualité politique

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J
Superbe article Cédric alliant quantité et qualité!Oui, le combat va être difficile devant le mutisme ahurissant de presque toutes les têtes "bien pensantes" de notre pays...A force de dire noir puis blanc le lendemain, la politique engagée par Nicolas Sarkozy est complétement caducque...Et "Le Traité européen est mort..." avait-il dit...
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